Nouvelle rencontre sur le blog, avec cette fois-ci Valérie. dont je vous ai déjà brièvement parlé en vous présentant les photos de Madjive. C’est par ses photos d’urbex publié sur bokeh.fr que j’ai fait sa connaissance, et puis via les réseaux sociaux où nous avons gardés contact. Ayant besoin d’un lieu atypique pour un shooting rock and roll, j’ai bien sûr pensée à elle, connaissant bien les alentours de Besançon (Bezak pour les intimes), et ses compétences en urbex.

Valérie Tirard - Shooting Madjive

Je l’ai donc conviée à nous rejoindre pendant le shooting, ou elle a eu plaisir a me voir travailler avec des flashs déportés, technique qu’elle ne connait pas trop, et nous avons pu discuter un peu photographie.

Valérie peux tu te présenter ?
Bonjour, je suis âgée de 51 ans, je suis secrétaire médicale dans un CHR, dans un service assez dur psychologiquement, et c’est la raison pour laquelle la photographie est un excellent moyen de décompresser et s’aérer le cerveau. J’ai eu la chance de travailler pendant un temps à temps partiel et j’ai donc pu me balader dans pas mal de lieux de la région, tout comme sur mes lieux de vacances.

D’où vient ta passion pour la photographie ?
J’ai, comme tout un chacun, photographié les paysages de vacances, les enfants qui grandissent mais c’est en achetant un petit bridge en 2004 que j’ai découvert les avantages du numérique. J’ai découvert la macro et le fait que si une photo est ratée, on peut regarder les exifs et s’interroger sur le pourquoi des erreurs et tenter de se corriger. Puis j’ai fait l’acquisition du Nikon D70, ayant conservé les objectifs de mon père. Un 70-300 macro notamment, et j’ai appris à manipuler les bonnettes pour la macro, pour ensuite avancer vers un D80, un 105 macro et enfin un D300 avec lequel je découvre peu à peu le plaisir de travailler en tout manuel.

J’ai intégré un certain temps un club photo ou j’ai pu découvrir le monde argentique ainsi qu’un certain nombre de « clés » pour progresser. Mais étant d’un tempérament plutôt solitaire j’ai repris mes explorations et essais, lu un certain nombre de livres, tout en m’inscrivant à certains forums photos. J’ai fait quelques expos aussi.

Ben - Madjive

Dans ta collection, tu as beaucoup de photos d’urbex. Comment est venu ton intérêt pour ce sujet, et comment trouves-tu les lieux ?
Lors de mes balades natures ou déplacements divers, il m’est souvent arrivé de passer devant des lieux visiblement à l’abandon, je reviens donc un peu plus tard, un peu au culot. Parfois je rencontre des habitants du coin qui ont souvent envie de parler de ce que cela fut du temps où les usines fonctionnaient, ou même quand une vieille demeure étaient en vie. A cette occasion, on me fait part d’autres lieux et ainsi de suite.

J’avoue que de pénétrer ces mondes souvent décrépis et envahis de ronces me donne l’impression de retrouver des zests de ce qui a été. Je suis sensible aux matières, aux couleurs, aux lumières particulières. Et de plus en plus souvent des graffeurs viennent s’exercer avec plus ou moins de bonheur sur les vastes murs libres ; il est toujours intéressant de rencontrer des gens qui ont connus les lieux avant, et ceux qui s’y sentent inspirés aujourd’hui. J’ai remarqué que lorsqu’on se balade avec un certain matériel photo, les gens se confient à vous tout naturellement, c’est une des choses que je trouve très intéressante dans la photographie : les contacts éphémères. Je n’oublierai jamais ce papy édenté qui m’avait demandée de le photographier sur son tracteur de betteraves, à qui j’avais apporté quelques tirages et qui s’est mis à pleurer de joie et m’a offert 12 œufs frais et une conserve de choucroute toute fraiche du jour !!

J’ai fait il y a quelques années une formation de peintre en décors, notamment des trompe-l’œil, ce travail bien précis aiguise l’œil car on doit pouvoir reproduire au plus proche de la réalité. C’est pour cela je pense que j’aime la macro, tout comme l’Urbex : il y a une infinité de chose à « capter ». Et puis, il ne faut pas le nier, j’aime ce petit sentiment de pénétrer un territoire interdit voire dangereux…

Tu fais également pas mal de macro, as-tu quelques conseils à nous offrir ?
J’ai commencé avec des bonnettes (close up + 4 dioptries) ajoutées à mes objectifs. Couplées au 70-300, cela permet de ne pas être très proche, et on peut donc travailler avec un trépied. Avec le 105 mm, c’est un peu plus délicat car optique fixe, et c’est un peu plus difficile de trouver la bonne distance de MAP et ce sans trembler (même si le VR est là) et il faut souvent débrayer en MAP manuelle car l’autofocus a tendance à pédaler.  J’aime particulièrement les gouttes de rosée sur les toiles d’araignée. C’est très difficile car toutes les gouttes ne sont pas au même plan et il faut jongler pour obtenir les zones de netteté. Mais avec patience, et peu ou pas de vent, on peut vraiment se faire plaisir. On a souvent l’air ridicule à quatre pattes dans l’herbe ou en équilibre sur une pente, mais c’est un vrai plaisir.

En dehors de l’urbex et de la macro,  j’aime également beaucoup l’approche de l’eau à différentes vitesses, et à différentes saisons, notamment les cascades. Les photographies de nuit en ville aussi. Je m’essaye aussi à l’utilisation d’un petit 50 mm 1.4 pour les portraits, et je m’en suis notamment servie pour notre sortie Urbex.

Paradis'eaux - Lawra

Paradis’eaux – NIKON D80 – vitesse : 1/13 – Ouverture : f/5.6 – Focale : 62 mm – sensibilité : 100 ISO – Trépied, retardateur et Filtre ND8

Quel est ton matériel photo de prédilection ?
Comme dit plus haut, je me régale avec mon D300 et le D80 en second boitier (ça pèse). Je suis vraiment fan de mon 105 macro, il est certes lourd et assez ardu à manier mais on obtient des bokeh de toute beauté, et pour le portrait c’est aussi bluffant. Le 18-70 nikon est aussi très intéressant, tout comme le 50 mm 1.4. J’ai dernièrement fait l’acquisition d’un 10-24 et je m’y essaye en urbex, mais pas encore bien en main pour le post-traitement des distorsions.
J’ai un bon sac à dos qui peut pivoter sur le devant sans avoir à le dégrafer et c’est bien pratique quand on est en pleine forêt en équilibre instable dans une cascade. J’ai un gros trépied Manfrotto avec rotule Joystick 322RC2, un autre plus léger , j’utilise des télécommandes infra-rouge pour les poses lentes.
Autrement je ne travaille qu’en lumière naturelle, parfois avec le flash du boitier, mais je préfère sans.

Comment procèdes-tu, a quoi penses tu en premier lorsque tu déclenches ?
Je pars en balade, selon ce que je recherche et m’équipe en conséquence afin d’éviter de trop me charger. Mais j’ai toujours l’impression d’avoir le regard aux aguets. Tout peut attirer mon attention ; parfois, c’est dans l’urgence, notamment en macro avec les insectes ou la rosée qui s’évapore plus vite qu’on voudrait.  Parfois, je peux piler en voiture et faire une marche arrière en vitesse histoire de ne pas perdre ce que j’ai enregistré dans un coin de l’œil

En gros, je me suis rendue compte que la photographie nous ramène aux choses très simples qui nous entourent, on apprend à voir à nouveau. Quand je photographie, j’ai l’impression d’être une privilégiée et j’ai envie de partager ça.

La charpente de l'oublie - Lawra

C’est une magnifique charpente d’une ancienne papèterie, avec sa lumière si particulière. J’ai vraiment été attirée par les textures, les traces du temps passé, ce qui m’attire souvent dans les photos urbex.

Quel serait ton conseil à un photographe débutant ?
La patience ! Ne pas penser qu’il suffit d’appuyer sur le déclencheur pour faire une photographie, savoir écouter les gens qui ont un savoir à offrir, pour s’appuyer sur ces bases essentielles. On peut aussi trouver énormément d’informations dans les livres, sur les sites Internet dédiés à la photographie, dans  les clubs photos aussi. Beaucoup d’humilité également, car on peut être persuadé d’avoir pris un beau cliché mais qui s’avère en fait être assez banal. Il faut perdre un peu son orgueil en photo, parfois accepter des critiques rudes voir scalpel. Après on a matière à constituer son propre univers photographique. Je pense qu’il faut aussi – et c’est un peu contradictoire – être assez égoïste dans son approche, faire cela en solitaire… mais aussi partager avec d’autres fans de photographies, d’autres approches, visiter les expos, ne pas se braquer sur telle ou telle approche qui nous déplait, mais au contraire observer.

Qu’attends-tu de la photographie dans les 10 ans à venir ?
Déjà un matériel moins lourd !!! dès qu’on monte en gamme, les boitiers sont souvent dédiés aux hommes question prise en main. Et un trans-standard du genre 8-600 !!! Histoire de ne plus avoir à se trimballer avec moult objectifs ! Un vide carte instantané directement sur le pc sans qu’on ait à faire autre chose que continuer à shooter ! c’est fastidieux tous ces téléchargements.

J’aurais aimé un 6×6 numérique à prix abordable ! l’Hasselblad H4D Ferrari de base nu à 20 000 euros n’étant pas dans mes moyens !!! Mais sincèrement, étant très souvent tentée par ce format à la prise de mes photos (je recadre donc) j’apprécierais vraiment une nouvelle vague de moyens formats grands publics. J’ai renoncé à l’approche argentique car trop chronophage à mon goût. Pour les styles photographiques, c’est vrai qu’on peut s’interroger si on ne va pas arriver à une certaine limite car il existe déjà une immensité de styles, genres, approches, supports, médias… Je ne peux qu’espérer qu’on n’en fasse jamais le tour.

Madjive Band - Lawra

Quelque chose a ajouter ? Quelqu’un à remercier ?
Mais oui te remercier !!! comme nous en avons discuté, la photographie est aussi un moment de rencontre avec le genre humain et il est toujours très instructif d’observer les autres dans leur façon de photographier. Et puis, un petit clin d’œil aux personnes dont je t’avais parlées qui ont compté pour moi. Ils m’ont pas mal secouée dans mes certitudes de débutante et au final aujourd’hui je travaille en tout manuel (bon je débute hein !!) et j’avoue en être assez fière. Un compliment sur une de mes photographies est toujours très gratifiant mais ce que j’aime avant tout c’est observer les émotions qui traversent une personne quand elle est interpellée par une photographie.

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Merci à toi Valérie pour cette sympathique rencontre dans un lieu totalement insolite. Vous pouvez retrouver Valérie au travers de sa galerie sur DeviantArt (ça me fait penser qu’il faut que je mette à jour ma page là bas …).